L’absence d’un ministère pour la culture et les arts dans le gouvernement provincial de la Ville de Kinshasa en République Démocratique du Congo a suscité des réactions dans les milieux associatifs culturels et artistiques abordés par l’ACP le week-end dernier.
«Nous sommes extrêmement déçus de la composition de l’équipe gouvernementale publiée par le nouveau gouverneur de la Ville Kinshasa, le 31 juillet dernier. Comment peut-on expliquer l’absence d’un ministre provincial de la culture à Kinshasa, étant donné les enjeux majeurs et la fréquence élevée des activités culturelles dans cette Ville.», a déclaré Didi Kembwarss, Secrétaire général du Collectif des producteurs Congolais (CPC).
Et d’ajouter : «Dans un pays à la richesse culturelle immense comme la RDC, le ministre de la culture, arts et patrimoines devrait aussi être désigné comme ministre d’Etat. Nous exprimons notre demande au gouverneur de la ville de Kinshasa, Monsieur Daniel Bumba, de remédier à cet affront et de nommer un ministre provincial de la culture et art ».
« Nous sommes surpris de constater que le secteur de la culture n’a pas été pris en compte dans le tout premier gouvernement provincial du nouveau gouverneur. Or, tous ses prédécesseurs avaient réservé une place de choix à la culture. A l’ère de l’industrie culturelle créative, cette radiation est une omission grave de la part de Bumba », s’est-il exclamé.
Parlant de l’actualité, Didi Kembwarss a fait savoir que seules les activités culturelles parviennent à réunir sans couleur ou tendance politique la population de 24 communes dans un stade à Kinshasa.
« Or avec l’engouement et l’attraction autour de la musique, la ville ne pouvait pas manquer un ministère sectoriel pour réglementer l’organisation des concerts de musique aux stades pour éviter prochainement des morts comme cela a été le cas le 27 juillet 2024 au stade des Martyrs de la Pentecôte », a-t-il affirmé.
Quid de l’Industrie culturelle créative à Kinshasa ?
Au 21ème siècle, l’Industrie culturelle créative (ICC) soutient que l’art ne doit plus être considéré comme un élément de divertissement mais il peut aussi offrir des opportunités économiques pour renforcer le trésor public.
C’est dans ce contexte que Kinshasa a été reconnue une ville créative de l’UNESCO dans le domaine de la musique en 2016 et a été admise officiellement au Réseau des villes créatives du monde dans le domaine de la musique. En décembre 2021, la Rumba congolaise, l’un des genres les plus influents de la musique et de la danse africaines, façonnée à Kinshasa a été inscrite au patrimoine immatériel culturel de l’humanité.
« Cette consécration de la Rumba par l’Unesco ne peut pas être seulement un apanage du gouvernement central mais aussi de la province qui est très proche des réalités dans le secteur culturel en RDC. Donc il est important que le gouverneur de Kinshasa comprenne et revienne à la raison », a conclu Didi Kembwarss.
Le comédien Rock Bodo parle d’un scandale au gouvernorat
Le coordonnateur de la plateforme ‘‘Collectif des Artistes et Culturels’’ (CAC), Rock Bodo, a également émis un point de vue à ce sujet.
« C’est scandaleux ! C’est avec étonnement et consternation que j’ai constaté l’inexistence du Ministère de la culture dans le gouvernement provincial de Kinshasa. Est-ce à dire que désormais nous n’avons pas un interlocuteur au sein de l’exécutif Kinois ? Une ville aussi culturelle que Kinshasa sans Ministère de la culture, c’est inconcevable. Nous osons croire que ce n’est qu’une erreur matérielle qui sera vite corrigée», a-t-il fustigé.
Ce professionnel de l’art dramatique a estimé que l’art est un domaine important qui est au cœur de la raison de vivre de la population Kinoise qui respire et adore la culture dans toute sa diversité.
Ajoutant que : « On reconnaît un kinois par sa culture à travers les arts de scène tels que la musique, l’humour, la comédie, le théâtre, la danse…La culture fait l’identité de notre Capitale. L’arrêté du gouverneur de la ville n’honore pas le travail bien accompli réalisé par les artistes kinois (musiciens, plasticiens, comédiens, danseurs, sculpteurs…) qui défendent valablement le Congo-RDC à travers leurs créations magnifiques et exceptionnelles sur la scène internationale ».
Le manque de politique culturelle pour Kinshasa préoccupe les acteurs du secteur
Pour sa part, le peintre congolais Franck Dikisongele se dit également surpris de la sortie du gouvernement provincial de Kinshasa sans le ministère de la culture. «Grand est notre étonnement de constater un vide notoire au poste du ministre de la culture, arts et Patrimoines dans le gouvernement de la Ville, que dirige le nouveau gouverneur, Daniel Bumba. Une question est de savoir si le chef de l’exécutif urbain a une politique culturelle pour la capitale, avec toute son histoire et sa grandeur légendaire ?», s’est-t-il interrogé.
Et de renchérir : « Le gouverneur doit savoir que peu avant son arrivé, Kinshasa a été retenue avec Brazzaville les capitales Africaines de la Culture pour l’année 2024 – 2025, après le Maroc. Alors qu’il nous éclaire : qu’en-est-il, comment compte-t-il s’y prendre pour la promotion et la protection de la culture dans la Ville ? »
Jordache DIALA