80% de dossiers portés aux cours et tribunaux en République Démocratique du Congo relèvent du secteur foncier. Des études ont démontré que la plupart de cas sont des conflits parcellaires de nature familiale qui opposent les héritiers à cause de la gestion et du partage l’héritage. S’agissant du genre familial, les orphelins subissent des violences de plein fouet. Surtout lorsqu’ils sont dépourvus des moyens de défense. Une fois que leurs parents décèdent, ces orphelins sont torturés par les frères et sœurs de leur défunt père ou mère.
Face à une justice corrompue, ils subissent toutes sortes de harcèlement. Ils sont surtout victimes de menaces physiques ou morales. Cette triste réalité est parfois soutenue par des influences politiques et spirituelles.
Les conflits parcellaires deviennent fréquemment violents lorsqu’ils s’inscrivent dans des processus plus généraux d’exclusion politique, de discrimination sociale, de marginalisation économique et familiale. Ils deviennent aussi perceptibles lorsqu’une action pacifique ne constitue plus une stratégie viable pour entraîner un changement.
Des familles divisées
Généralement, ces conflits débouchent sur des querelles, divisions, bagarres, emprisonnements ou voire des morts. Des exemples sont légions.
Le cas le plus récent est la disparition d’un homme d’une cinquantaine depuis le 16 octobre 2023 après être opposé aux membres de sa famille sur la vente d’une parcelle de son père biologique à Kinshasa, renseigne-t-on.
Selon son avocat, Maître Edo Pengele, Monsieur Daniel Mukeba Mbuyi s’est prononcé contre ses oncles et tantes paternels qui veulent vendre quelques biens laissés par son père. Après avoir exprimé sa position, il est parti pour une destination inconnue.
«Depuis que monsieur Daniel Mukeba a quitté la maison, il n’est plus rentré de son toit. Personne jusqu’à aujourd’hui ne sait où il se trouve. Ce qui est vrai, sa position n’arrange pas les membres veulent à tout prix vendre parce qu’ils se trouvent en droit d’avoir une part d’héritage. Il a commencé à recevoir des menaces de mort à travers des appels téléphoniques anonymes depuis qu’il a fait sa déclaration contraire à la famille. Evidemment, mon client a le droit de s’opposer. Sa position est légitime en tant qu’héritier. La loi congolaise est claire en matière de succession. Voir même le Code de la famille a également tout prévu à ce sujet », a déclaré l’avocat de la victime.
Et d’ajouter : « Depuis sa cavale forcée, je pense que monsieur Daniel Mukeba ne compte lâcher le combat imposé par les membres de la famille. Face à ce conflit d’héritage, nous demandons à la ministre de la Justice d’interpeller toutes ces personnes qui, après la mort du père, cherchent à nuire les héritiers…Savez-vous que nous sommes africains, s’il arrive quelque chose de malheur à monsieur Mukeba, tout tombera sur leur tête« .
Toutefois, l’avocat affirme qu’en collaboration avec les frères et sœurs de Daniel Mukeba, un avis de recherche a été lancé et déposé auprès des services de la police et de l’ANR, avec un espoir de le retrouver vivant. » Jusqu’à présent il est toujours introuvable dans les cachots, hôpitaux morgues ou encore dans certains endroits considérés secrets à Kinshasa »
Ce qui est déplorable, les conflits parcellaires constituent une source de malheur pour beaucoup de gens dans la communauté en RDC. Les batailles entre héritiers, les ventes illégales et les escroqueries sont devenues monnaie courante à Kinshasa. Ces conflits touchent aussi bien les quartiers populaires que les plus huppés de la Ville.
Ignorance de la loi
En RDC, la terre est devenue une marchandise soumise à une forte compétition pour son accès et son exploitation. Ceci explique le fait que certaines personnes ignorantes de la loi foncière et du Code la famille se livrent aux pratiques illégales d’acquisition des parcelles.
Les conflits fonciers entraînent fréquemment des expulsions de familles de leurs maisons, les laissant sans abris. Cette réalité inquiète, divise et traumatise beaucoup de familles dans la société. Les convoitises et querelles autour de parcelles et d’immeubles, souvent familiales et très anciennes, sont attisées par une spéculation foncière débridée et une corruption endémique.
D’autres différends fonciers, apprend-on, sont alimentés par des autorités coutumières et chefs de terre ainsi par un réseau mafieux de l’administration publique constitué des agents de la Présidence de la République, du Ministère des affaires foncières, du cadastre et des Titres immobiliers ainsi que des officiers de l’armée et de la police. Ils patrouillent et fouillent partout dans la ville à la recherche des espaces vides dans leurs entités ou autres propriétés en difficultés avec la loi, soit en retard de paiement de redevances ou en retard de renouvellement des titres fonciers en vue de les déclarer «biens sans maître ».
Jean Pierre Mfumu