Créée en 2011 par ordonnance présidentielle, la SOCODA (Société Congolaise des Droits d’Auteurs et des Droits Voisins) née sur les cendres de la Société nationale des éditeurs, compositeurs, auteurs, « SONECA », a pour mission principale de percevoir, gérer et répartir les droits de créateurs des œuvres de l’esprit et leurs ayants droit en République démocratique du Congo. Malheureusement, cette entreprise en caractère d’une coopérative est confrontée à plusieurs problèmes qui empêchent non seulement son épanouissement mais aussi qui ne permettent pas aux artistes de jouir des fruits de leurs créations.
Une enquête a démontré que l’homme et la maffia sont deux éléments majeurs qui bloquent son développement. Lorsqu’on parle de l’homme, on fait directement allusion aux ressources humaines qui n’ont jamais été à la hauteur pour assurer la bonne gestion de la société. Or, les artistes congolais ont été aux commandes depuis la création sa création. Sans compétences requises, certains ont géré sans état d’âme cette coopérative. L’égoïsme a divisé les sociétaires et a provoqué un cycle infernal des crises et conflits de leadership au sein de la SOCODA.
La situation actuelle à la SOCODA est inacceptable, explique le professeur Théodore Nganzi, expert en Droits d’auteur et propriété intellectuelle. Les artistes ne bénéficient quasiment pas de leurs droits à cause du désordre qui règne dans le secteur. En RDC, 98 % de créateurs meurent pauvres malgré leur talent et leur dynamisme dans la création alors que sous d’autres cieux une seule œuvre peut rendre riche son auteur. Et pourtant, l’article 1er de l’Ordonnance-loi n°86-033 du 5 avril 1986 portant protection des droits d’auteurs et droits voisins stipule : ‘‘L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous’’.
Quatre personnes dans le collimateur !
Quatre noms sont cités parmi les responsables de la crise actuelle et surtout des maux qui rongent cette société des droits d’auteurs en RDC. Il s’agit de Verckys Kiamuangana (PCA décédé), Michel Agu (ancien DG), Nyoka Longo (actuel PCA) et Joe Mondonga (actuel DG a.i). Ces dirigeants seraient à la base de la cacophonie et ont les mains sales. Hormis l’ancien PCA Verckys Kiamuangana qui est déjà décédé, renseigne-t-on, les autres sont dans le collimateur de la justice congolaise.
Concernant la maffia, nos fins limiers ont démontré que la malversation financière est l’une des causes principales et flagrantes qui a conduit la SOCODA à la prédation. Cette maffia est favorisée par la megestion, le détournement et surtout la méthode archaïque de répartition des droits d’auteur. Ces fléaux gangrènent le bon fonctionnement de cette unique Société.
Contactés, plusieurs sociétaires ont toujours réclamé un audit interne ou externe pour faire lumière sur la gestion de cette coopérative. « Le manque de traçabilité, l’opacité dans la gestion ainsi que la création de plusieurs comptes bancaires fictifs au nom de la SOCODA sont des griefs portés contre ces quatre dirigeants. Evidemment, Nyoka Longo est le plus dangereux de tous. Le vieux a toujours tendance à confondre cette société à son groupe musical où il est patron », a déclaré Adricha Tipo Tipo, chanteur et auteur -compositeur congolais.
Et d’ajouter: « Trop c’est trop ! Les sociétaires en ont marre. Nous fustigeons la manière dont la SOCODA est dirigée comme une boutique privée. Nyoka Longo et Mondonga ont ouvert des comptes bancaires au nom de la société dont eux-mêmes ont le pouvoir de signer les entrées et sorties. Ça fait trois ans qu’il est à la tête du conseil mais Nyoka Longo ne rend compte personne. La gestion de la société est comparable à Zaiko, son groupe musical »
Un détournement à la SOCODA: Révélation de la Rawbank !
Un rapport de la Rawbank, une des banques privées en RDC, a révélé que plus d’un million de dollars ont été délogés dans le compte de la Société congolaise des droits d’auteur pour être orientés vers d’autres comptes privés. « Nous avons reçu des révélations accablantes des différentes banques où est logé le compte de la SOCODA. Des documents de la banque attestent comment les virements ont été effectués en cascade vers les comptes du PCA Nyoka Longo et de son Directeur Général Mondonga», a dénoncé Maika Munan, arrangeur-compositeur des musiques.
« Il y a également un montant de 180.000.000 logé sur le compte en franc congolais chez Rawbank. Nous voulons savoir la destination de ce pactole parce que ça fait deux ans que la Direction générale de la SOCODA n’avait plus fait la répartition des droits d’auteur suite aux difficultés qu’elles ont rencontrées. C’est ce que Mondonga avait raconté dans un communiqué mais jusqu’à présent lui et son PCA n’ont jamais précisé les genres difficultés qui ont bloqué la paie des artistes en 2022 et 2023 », a-t-il renchéri.
« Nous attendons aussi le rapport d’Equity BCDC qui va encore nous fixer sur les finances de la SOCODA sous sa gestion. En 2024, le comité actuel n’a payé que deux disciplines (musique et art dramatique) avec un total de moins de 200 artistes dans l’ensemble. Je ne pense que l’enveloppe de cette répartition a atteint la somme de cent mille dollars pour le budget de cette opération. Alors où sont partis les restes ?», s’interroge le sociétaire.
Depuis une décennie, les créateurs des œuvres de l’esprit en RDC ne se retrouvent pas à cause de la mégestion criante de la part des dirigeants qui excellent dans l’opacité dans la gestion de la SOCODA. A cela, il faut ajouter l’amateurisme des animateurs, qui ne maîtrisent pas les techniques modernes appropriées pour la gestion collective des droits d’auteur comme cela se fait ailleurs. A l’instar du manque de l’expertise, il y a aussi le problème de volonté d’apprendre les notions de base en matière gestion des droits d’auteur pour se conformer aux normes requises au niveau international.
De son côté, Augustin Bikale, expert culturel et agent à l’UNESCO à Kinshasa, estime que l’Etat a une part de responsabilité en matière de la gestion collective des droits d’auteur. Il doit mettre en place une bonne politique qui va aider et accompagner le secteur à s’épanouir.
« Le secteur est abandonné par les artistes eux-mêmes qui sont la plus part novices dans la gestion des droits d’auteur. L’absence de l’Etat a contribué pour que la SOCODA soit transformée à une jungle où les musiciens de renom se battent pour leurs propres intérêts. Il est temps que le ministère ayant ses attributions l’art et la culture, intervienne pour mettre fin à la megestion et à la gabegie financière qui ne profite qu’à une catégorie d’artistes . Donc la solution est dans la conscience de chacun et aussi surtout se trouve chez l’Etat », a-t-il déclaré.
L’ADACO (Administration des droits d’auteurs au Congo), une organisation des défenses des intérêts des artistes en RDC, prône la libéralisation du secteur de droits d’auteurs pour booster son économie et créer une émulation au profit des créateurs .
» Le pays a une potentialité artistique et culturelle énorme. Il faut des réformes appropriées par le législateur pour sécuriser et encadrer le domaine de droits d’auteur parce que le monopole de la SOCODA a démontré ses limites. Il est important de libéraliser le secteur en y dotant une structure de régulation pour éviter les dérapages et concurrences déloyales entre les sociétés. Nous sommes pour la libéralisation de notre secteur. Plusieurs sociétés de droits d’auteur vont permettre aux artistes de faire librement son choix pour déclarer et protéger ses œuvres. Il est anormal que les comédiens, les peintres, les écrivains et les musiciens soient dans une même société », a conclu Cinardo Kivwila, responsable de la communication de l’ADACO.
Toutefois, une gestion efficiente fera sans nul doute de la SOCODA une véritable mine d’or, en générant des milliards de dollars pour permettre aux créateurs congolais de jouir réellement des fruits de leurs œuvres. Qui dit mieux ?
Jordache DIALA